
Bénédicte De Meyer
Orthopédagogue
When I went to school, they asked me what I wanted to be when I grew up. I wrote down 'happy'. They told me I didn't understand the assignment, and I told them they didn't understand life. John Lennon
Infirmité motrice cérébrale
par MBO GONDA
Dans cette formation en orthopédagogie, je tends à me positionner en tant que future intervenante professionnelle, non en tant que parent d’un enfant différent. Dans ce cours pourtant, il m’est difficile de tenir cette place d’orthopédagogue parce que je suis moi-même maman de deux enfants IMC de 9 ans. C'est mon quotidien...
C'est avec beaucoup d’attention et d’intérêt que j’ai lu le syllabus de M. Gonda. Tout au long, je me suis demandé quelle analyse ou réflexion je pourrais bien apporter dans ce cours. Un témoignage de maman ? Des observations sur le quotidien de l’enfant IMC ? Des informations sur la prise en charge et la méthode Bobath ? Des observations sur la vie pratique, les adaptations matérielles, les difficultés quotidiennes ? J'ai finalement choisi de vous livrer les réflexions de tout ordre qui me sont venues lors de la lecture du syllabus.
IMC et domaine psychoaffectif
Dans le domaine psychoaffectif, je pense qu’il est important d’ajouter au contenu existant les nettes tendances à l’anxiété et à l’hyperémotivité constatées chez les enfants IMC [1]. De mon expérience, si les difficultés motrices sont évidentes et considérées par le corps médical et paramédical, les conséquences psychologiques sont peu évaluées [2] et non prises en charge par un personnel qualifié. L’enfant est suivi en kinésithérapie, par un orthopédiste, par un neurologue ; est mis en place toute une prise en charge en rééducation motrice (x séances de kiné par semaine) et orthopédique (atèles, coques, matelas, etc.) ; ces thérapies visent le moteur et le fonctionnel et sont indispensables. Par contre, sur le plan psychologique, aucun suivi spécialisé n'est prévu, n’existe à ma connaissance et n'est bien entendu pris en charge même partiellement.
Dans le cas de ma fille, des crises d’anxiété et de panique, ainsi que des émotions envahissantes, ont pendant 8 ans fortement perturbé son sommeil et la vie de famille. C’est en lisant l’article scientifique de Laterre que je découvre qu’il s’agit de conséquences habituelles chez les enfants IMC. Ce qui me laisse quelque peu sans voix et en colère car en 8 ans, le papa et moi-même nous sommes entendus dire trop souvent que nous étions responsables de ces mauvaises nuits et que nous devrions la laisser pleurer. Nous avons culpabilisé énormément avant de comprendre que les angoisses (notamment car il y a aussi les douleurs, l’inconfort, etc.) étaient grandement en cause. Il était impossible de la laisser pleurer car elle ne parvenait pas à se récupérer et à retrouver seule le calme, et de surcroît cela ne correspondait à nos convictions en matière d'éducation. Des lectures récentes en neurosciences me confortent d'ailleurs dans l'idée qu'il faut accompagner l'enfant avec bienveillance et l'aider à vivre ses émotions difficiles [3].
Nous avons tenté des changements alimentaires, des thérapies alternatives (ostéopathie, kinésiologie, etc.), des psychothérapies, etc. parce que 8 années sans dormir, c’est dévastateur pour les parents (psychiatre, perte de plusieurs emplois, des années en incapacité/invalidité, problèmes de santé, vie sociale inexistante, vie personnelle et de couple impactée, etc.). La solution est finalement venue de notre fille, en discutant beaucoup avec elle de l’impact des nuits sur nos vies, de par sa maturité qui fait qu’aujourd’hui, lorsqu’elle se réveille (encore chaque nuit), elle essaie de gérer ses émotions par elle-même et ne nous appelle que si c'est nécessaire. Ce travail sur la gestion des émotions s'est accompagné de séances d’hypnose pendant lesquelles elle a travaillé sur ses terreurs nocturnes avec une psychologue habile pourtant non coutumière des IMC. La vie de la famille en a été profondément modifiée...
Je livre ce témoignage pour montrer que les conséquences psychoaffectives, à savoir l’anxiété et l’hyperémotivité, peuvent prendre parfois plus de place que les difficultés motrices. Elles sont trop peu reconnues par le corps médical et peuvent avoir des conséquences cataclysmiques pour l’enfant et son entourage. Malgré un enfant reconnue handicapée à plus de 80%, dont l'autonomie est très limitée, avec toute les problématiques "pratiques" d'adaptation du domicile, de la voiture, de scolarisation, etc. ce fut pour moi l'aspect le plus compliqué à gérer et le plus "handicapant" familialement parlant.
Les services d'accompagnement et de soin à domicile
Cela m’amène à un deuxième point : les services d’éducation spécialisée et de soins à domicile. J’en découvre l’existence dans le syllabus. Jamais un tel suivi ne nous a été proposé ni par les assistantes sociales de la mutuelle, des institutions et d’autres, ni par l’équipe transdisciplinaire de référence à l’Huderf qui suit annuellement mes enfants. Ayant également effectué de nombreuses recherches de mon côté, je ne connais pas ces services. Il me semble que le CAMSP et les SESSD sont des services proposés uniquement en France et sans équivalent en Belgique. Il existe bien des associations qui organisent du répit : la Villa Indigo (séjour pour les enfants malades ou porteurs d'un handicap afin d'offrir du répit aux parents et à la fratrie), Famisol (propose des familles d’accueil, des journées d’activités) ; des services de garde à domicile (via les mutuelles, Wallopoly) ; les services infirmiers traditionnels pour les toilettes et l’habillage ; des services d’aide aux adaptations matérielles (Solival par exemple) ; etc. Il faut savoir que ces services, d'excellente qualité, sont pris d'assaut et ne permettent pas de répondre efficacement aux nombreuses demandes des parents. Il y a souvent des délais d'attente très longs (Famisol, dans notre cas, liste d'attente pendant 4 ans) et une offre limitée (Wallopoly par exemple pourra dépêcher un éducateur une journée sur les vacances). Malgré les limites, ces services sont néanmoins très précieux !
Les kinésithérapeutes
La question de l'accompagnement et du soutien traité dans le point précédent m'amène naturellement à un troisième point : le rôle primordial des kinés comme véritables soutiens et sources d’informations. Le suivi et l’accompagnement de l’enfant IMC et de la famille est à mon sens assuré par les kinésithérapeutes Bobath.
Ma fille bénéficie de 2 à 3 séances d’une heure par semaine en plus des 3 séances de kiné dans son école, de 3 séances de logopédie et de 2 séances d’ergothérapie. Cette thérapie « à l’extérieur » entraîne des relations privilégiées entre l’enfant, sa famille et le thérapeute. Le(s) kiné(s) deviennent des personnes proches de chaque membre de la famille, participent à toutes les réflexions sur les difficultés ou les prises en charge de l’enfant, sont au centre de nombreux témoignages et permettent par leur intermédiaire des partages d’expériences et de vécus entre famille, sont malgré eux impliqués dans le quotidien. Les kinés Bobath que nous avons fréquenté ou fréquentons encore travaillent avec les parents pour expliquer les problèmes liés au handicap, donner des solutions concrètes, mettre en place des stratégies qui améliorent la posture et le développement de l’enfant et qui favorise son autonomie à long terme, répondent à nos interrogations, participent au suivi en institution, etc. Dans notre cas, le seul véritable soutien et accompagnement reçus viennent des kinés qui nous ont suivi (« nous » car autant il y a la rééducation motrice de notre enfant, autant il y a le soutien et l’information pour les parents).
La thérapie Bobath
Enfin, j’ai été étonnée de ne pas voir apparaître le mot « Bobath » dans le syllabus car il s’agit de la méthode transdisciplinaire (kinésithérapeute, logopède, ergothérapeute) qui prévaut pour traiter les enfants IMC en Belgique et dans de nombreux pays dans le monde. Sans doute en est-il question dans la seconde partie de ce cours. Je renvoie au site de l’ABBV (association belge Bobath [4]) pour des explications sur la méthode et la prise en charge proposée par les thérapeutes. C’est aujourd’hui la méthode la plus utilisée par les kinésithérapeutes spécialisés en neuro-pédiatrie, présente dans la grande majorité des institutions de type 4 en Belgique (Irahm, Escalpade, Le Fraiteur, etc.) et préconisée quasiment unanimement par le corps médical et paramédical (certains professionnels pratiquent aussi Le Metayer et Petö en Belgique).
Conclusion
Je pourrais bien entendu encore développer bien des points et apporter un témoignage sur les difficultés de l’enfant IMC et de sa famille mais aussi, et c’est important de le dire, sur toutes les richesses et les bonheurs que nous vivons quotidiennement avec, grâce ou malgré le handicap de notre enfant.
[1] LATERRE C. (dir), Sémiologie des maladies nerveuses, Bruxelles, 2008, pp. 818-23.
[2] Dans l’article de LATERRE (2008) p. 822, les conclusions font aussi état du fait que la personnalité de l’enfant est trop souvent négligée et qu’il est considéré comme un « être complet ».
[3] Excellent ouvrage de Catherine GUEGUEN, Pour une enfance heureuse. Repenser l'éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau, Paris, 2014.